Au XVIIIe siècle, l’argent se pèse dans de petites balances « fort justes » que les Malgaches créent eux-mêmes et leurs poids sont des grains de riz en paille bien pleins. Mayeur donne ainsi quelques indications. Par exemple, la piastre d’Espagne, « selon eux », pèse 720 grains de riz pleins, la demi-piastre 360, la quart 180, le huitième 90, le seizième 45… « Ils divisent la valeur effective de la piastre en trois et ils désignent cette division idéale par le mot de venté-parata (ventiparata)… la demi-piastre, le quart, le huitième, le seizième sont aussi divisés en trois et portent dans la langue du pays les désignations analogues comme le tiers d’une demi-piastre, le tiers d’un quart… »
À la suite de son voyage en 1785, il ajoute : « Toutes ces subdivisions qui supposent au premier abord des calculs difficiles et des négociations lentes, n’arrêtent cependant pas les Hovas. Il semble au contraire qu’elles disposent leur esprit à la science de l’arithmétique, en même temps qu’elles le rompent à l’habitude et à la faculté des négociations. J’ai souvent été étonné de la justesse et de la précision avec laquelle ils calculaient une affaire. Enfin, il est rare qu’ils commettent entre eux des erreurs de comptes et de paiements. Chacun d’eux est muni d’une petite paire de balances qu’on fabrique dans le pays et d’une petite poche de grains de riz en paille ; et c’est au moyen de cet instrument que les paiements se font et se reçoivent. »
Au XVIIIe siècle également en Imerina, l’insécurité continue à régner les jours de « fihaonana »- mot signifiant rencontre et désignant jadis les jours de marché-, les brigandages, les vols sont nombreux, la fabrication de la fausse monnaie est des plus fréquentes, le système monétaire des plus confus…
Voici ce que le père Callet rapporte dans ses « Tantara ny Andriana»: Autrefois, il y avait des balances, mais elles n’étaient pas uniformes ; chacun employait celles qu’il voulait et servait de poids forts ou de fiables ; les poids étaient des pierres frappées et arrondies, utilisées pour les pesées; il en résultait des querelles et les plus forts l’emportaient. Andrianampoinimerina y réfléchit quand il institue les marchés et vit que les procédés étaient défectueux parce que conformes aux pratiques des périodes d’anarchie, comme dans les pays où il n’y avait pas de roi, ce qui déplut à Andrianampoinimerina. »
Effectivement, à la suite des querelles incessantes qui éclatent à l’occasion des « fihaonana » et dans son désir de faire régner la paix dans tout le pays qu’il conquiert, le souverain se porte garant d’une monnaie juste qui doit apporter une normalisation des rapports entre les différents membres de la société et les différentes populations. Julien énonce dans les « Institutions politiques et sociales de Madagascar » le fondement de ses idées.
« Dans un pays qui est pacifié et soumis, le propre des transactions est de placer sur un pied de parfaite égalité ceux qui traitent une affaire, si minime soit-elle. Ma plus grande sollicitude va aux enfants, aux femmes, aux simples et aux inconscients que je ne veux pas qu’on abuse ; c’est pourquoi je me montrerai impitoyable à l’égard de ceux qui feront usage de mesures et de poids faux. »
Selon Juliette Ratsimandrava, conservatrice, c’est une étape primordiale car l’idée de justice, la notion de poids juste indispensable au bon ordre d’une nation, « apparaît au grand jour et trouve une autorité qui utilise tous ses moyens pour la faire respecter ». Des mesures sont ainsi prises. Il y a notamment l’institution d’une seule balance appelée « mizana tsy mandainga », la balance qui ne ment pas, pour la pesée des fragments de monnaie. Et c’est à partir de la piastre espagnole ou mexicaine de 27gr que les poids sont fixés. Au début, ils sont au nombre de quatre : 13gr5 pour le « loso » ou demi-ariary, 6gr75 pour le « kirobo » ou quart d’ariary, 3gr375 pour le « sikajy » ou un huitième d’ariary, et 2gr235 pour le « roavoamena » ou douzième d’ariary.
Les poids valables sont ceux en fer, fabriqués par les Andriandranando. D’après les Tantara, le roi dit à cette caste noble: « Voici une autre besogne que je vous attribue, à vous les Andriandranando, car c’est ici, chez vous, que j’ai trouvé les poids les plus justes ainsi que les balles et les fusils qui m’ont permis d’opérer l’unité du pays et royaume. »
Le souverain explique de façon très précise comment appliquer ces mesures. « Si je prends le soin, peuple, de vous donner d’autres minutieuses explications, c’est parce que je veux faire disparaître parmi vous cette cause de conflit et être les uns et les autres à l’abri des fraudes et tromperies auxquelles vous êtes journellement exposés…»
D’autres mesures sont prises concernant la définition des espèces monétaires et leurs subdivisions. Comme pour les poids, le point de départ est la piastre espagnole ou mexicaine désignée sous le terme d’ariary. Les pièces divisionnaires n’existant pas, elles sont obtenues par la fragmentation de la piastre.
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