L'origine complexe du peuple Malgache a créé des coutumes diverses et particulières. En dépit des nombreuses configurations ethniques et des notions de clans, le pays véhicule un même langage et la croyance à la puissance des ancêtres défunts est répandue à travers toute l'île. Bien que la croyance traditionnelle manifeste l'existence d'un seul Dieu, omniprésent et omnipotent portant le nom d'"Andriamanitra" (Le Seigneur Parfumé) ou celui d'"Andriananahary" (Le Seigneur Créateur), c'est plutôt vers les ancêtres divinisés ou "Razana" que se portera son culte.
Doany d' Andriandrokaroka
Le culte des ancêtres est une célébration de la "science de la vie", car les défunts sont porteurs de pouvoir et sont défenseurs de la vie sur terre, matérielle autant que spirituelle. Chaque ancêtre garde son individualité et ses attaches familiales. Son pouvoir est révélé à travers des "ordres sacrés" qui dictent l'organisation politique, culturelle, médicale de la famille ou de la communauté.
La croyance considère que certains sinistres comme les accidents, les maladies sont les conséquences d'un manquement au culte des ancêtres. C'est une justice infligée par ceux-ci pour avoir violé un "fady" (tabou), par exemple. À chaque grande occasion marquant la vie (construction d'une maison ou d'une pirogue, d'un mariage, etc) "Razana" sera consulté, invoqué. Des animaux (poulets, zébus) ou des aliments (rhum, miel, etc.) seront alors offerts en sacrifice ou en libations. Pour citer à quel point cette pratique est ancrée profondément dans toutes les strates sociales ; le vol inaugural d'un Boeing 747 de la compagnie nationale Air Madagascar, a donné lieu à un sacrifice de zébus, afin d'assurer longue vie à l'appareil ainsi qu'à ses passagers.
Raha zaza tsy hilalao, milatsaha ho tanora
Raha tanora tsy hikorana, midina ho isan’ny antitra
Raha antitra tsy hitafasiry, modia ho razana
Ary raha razana tsy hitahy, mifahaza hiady vomanga
Un enfant qui ne joue pas, qu’il passe dans la classe des jeunes
Un jeune qui ne s’amuse pas, qu’il rejoigne les vieillards
Un vieillard qui refuse de palabrer, qu’il descende chez les ancêtres
Un ancêtre qui ne veut pas bénir, qu’il se lève déterrer les patates.
Le sens de la vie
Dans les croyances traditionnelles malgaches, le monde des ancêtres fait partie de ce qu’on appelle la «vie». Ainsi, la vie comprend quatre étapes distinctes, chacune ayant une importance et un rôle déterminés. Les ancêtres sont parvenus à la quatrième et dernière étape. Comme tous les autres «vivants», ils ont un devoir spécifique à accomplir : celui de donner la bénédiction à leurs enfants. La mort ne signifie donc pas la fin de l’existence, ni la disparition définitive d’une personne. Ce n’est qu’une porte ou un passage vers le monde invisible.
Aujourd’hui, au 21e siècle, avec les changements sociaux, l’émergence de nouvelles religions et la mondialisation dans tous les domaines, le culte des ancêtres régresse, surtout dans les villes. Mais la crainte ou le «respect» des ancêtres demeure une valeur culturelle de la société malgache. La pratique toujours courante de diverses coutumes ancestrales (circoncision, funérailles, etc.) est là pour en témoigner, de même que le soin qu’on apporte à l’art funéraire.
Les esprits des défunts ne sont pas morts. Libérés du monde matériel, ils voyagent dans l’espace. Mais ils ont le devoir de rendre visite aux vivants et de les bénir. Chez les Sakalavas, groupe ethnique de l’Ouest de Madagascar, l’oiseau Mijoa représente ce passage entre les morts et les vivants. Le couple de Mijoa (ibis), seuls oiseaux qui s’accouplent comme des humains (face à face), symbolise la continuité de la vie. Un homme qui est mort ne viendra pas troubler sa femme, tous deux se trouvant désormais à l’exacte symétrie de deux mondes définitivement opposés.
En bois ou en pierre, parfois décorées, l’aspect des statues funéraires varie suivant les régions et l’environnement naturel. Dans l’Ouest et le Sud-Ouest, les tombeaux portent des figurines humaines symbolisant la continuité de la vie par la procréation.
Le refus de la mort
La non-acceptation de la mort en tant que fin apparaît clairement dans les rites funéraires, particulièrement s’ils concernent un vieillard. Puisque celui-ci a pleinement rempli son existence terrestre, il mérite de «monter» au stade supérieur. Il est arrivé au terme de ce qu’on appelle hasina, la sagesse ou la sainteté que toute personne acquiert avec l’âge. Ainsi, au décès d’un homme très âgé, il n’y a pas lieu de pleurer (comme on le fait quelque temps pour un jeune homme). Au contraire, c’est une occasion de réjouissance : pendant des jours et parfois des mois, selon la région, on danse, on rit, on boit de l’alcool, on mange la viande des zébus qui appartenaient au défunt et qu’on a abattus pour la circonstance. On parle au mort, on lui adresse des plaisanteries à connotation sexuelle. Puis le corps, soigneusement enveloppé ou déposé dans un cercueil fait d’un bois spécial, est transporté dans le tombeau familial parmi les siens.
La vénération des ancêtres
La mort est un passage particulier, parce que l’être change à la fois d’état et de statut. De l’état corporel, il passe au spirituel. La transformation qu’il subit correspond à une renaissance. D’où les propos «osés», inhabituels, lancés au mort et les différentes représentations « érotiques » trouvées sur les tombes ou aux alentours. L’ancêtre parfaitement intégré dans le monde invisible devient un être nouveau, spirituel et éternel. Il gagne alors un pouvoir surnaturel.
Pourtant, malgré ce passage du défunt à un stade supérieur de la vie, la crainte de la mort ne disparaît pas chez les vivants. C’est la raison d’être du culte des ancêtres : les vivants réclament l’assistance des razana en communiquant avec eux à des moments et des endroits bien précis, pendant les sacrifices. En dehors de ces rites, la séparation entre le monde des vivants et celui des morts est nette : à chacun sa place.