La lutte de libération de Madagascar du joug de la puissance coloniale a éclaté le 29 mars 1947 lorsque quelques centaines d’hommes simplement armés de sagaies et de coupe-coupe attaquaient des petites villes côtières et des plantations. Ils s’en prenaient non seulement aux européens mais aussi aux Malgaches qui vivaient et travaillaient avec eux. Les colons étaient pris au dépourvu et ne pouvaient réagir faute de moyens militaires sur place. Désemparé, le gouvernement de Paul Ramadier a fait porter la responsabilité des troubles sur les trois parlementaires du MDRM (Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache) dont Ravoahangy Andrianavalona, Joseph Raseta et Jacques Rabemananjara. Les députés, y compris l’extrême-gauche communiste, ont levé l’immunité parlementaire de ces derniers pour être arrêtés par la suite. Deux d’entre eux ont été condamnés à mort mais leurs peines ont heureusement été commuées en exil.
Intensification de la lutte. L’arrestation des trois parlementaires malgaches du MDRM a accéléré l’extension de la lutte contre le colonialisme. Elle a embrasé rapidement toute la partie orientale de Madagascar, où la misère et les frustrations étaient les plus grandes. Les rumeurs les plus folles couraient sur le compte des insurgés. Devant la gravité de la situation, le gouvernement français a envoyé à Madagascar en début de 1948 des renforts, essentiellement des troupes coloniales (tirailleurs sénégalais). Ces troupes étaient composées au total de 18 000 hommes début 1948. La répression a donné lieu à de nombreux débordements et crimes de guerre : tortures, exécutions sommaires, regroupements forcés, mises à feu de villages… Parmi les crimes les plus graves figure celui du 6 mai 1947, quand le commandant du camp de Moramanga, dans la crainte d’une attaque, a fait mitrailler plus d’une centaine de militants du MDRM emprisonnés dans des wagons. L’armée française a expérimenté une nouvelle technique de guerre psychologique : des suspects ont été jetés vivants d’un avion pour terroriser les villageois de leur région.
89 000 victimes chez les Malgaches. En vingt mois, la lutte de libération nationale ou l’insurrection a fait 89 000 victimes chez les Malgaches selon les comptes officiels de l’État français. De son côté, les forces coloniales ont perdu 1 900 hommes (essentiellement des supplétifs malgaches). On a aussi relevé la mort de 550 européens, dont 350 militaires. La disproportion des pertes tient à ce que les rebelles ne disposaient en tout et pour tout que de 250 fusils. En tout cas, des signes avant-coureurs de la grande révolte ont été émis en juin et décembre 1946. Mais les premières révoltes ont été durement réprimées. C’est cette violente répression qui a mis de l’huile sur le feu. Le soulèvement a éclaté dans toute la partie Est de Madagascar dans la nuit du 29 au 30 mars 1947. L’explosion était spontanée. La lutte n’a pris fin qu’à la fin de l’année 1948.
Leaders du MDRM : Raseta, Ravoahangy et Rabemananjara . A la suite du 29 mars 1947, le parti MDRM est dissous, accusé par les colonisateurs comme étant responsable des évènements qui s’ensuivirent. Les députés Raseta, Ravoahangy et Rabemananjara sont arrêtés, et ce, malgré leur immunité parlementaire. Leur procès a eu lieu à Andafiavaratra (Antananarivo). A l’issue duquel, Raseta et Ravoahangy furent condamnés à mort, Rabemananjara condamné aux travaux forcés à perpétuité. Ils furent graciés en 1949 et transférés en exil en France puis amnistiés en 1956. Ils revinrent à Madagascar en 1960. Juste après l’indépendance. Notons que le Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache (M.D.R.M.) est un parti politique malgache fondé le 22février 1946 et dissous le 10 mai 1947, qui avait pour but à court terme l’autonomie de Madagascar au sein de l’Union française. Il a laissé une forte empreinte dans la mémoire malgache. L’insurrection malgache de 1947 est, après la Guerre d’Indochine, le second événement grave survenu dans les colonies de l’Union française après la Seconde Guerre Mondiale. Mais dans l’espace colonial africain et malgache, c’est l’insurrection dans la Grande île qui, sous la poussée d’un mouvement nationaliste, amorce la déconstruction du système colonial français.