L’histoire contemporaine de Madagascar est marquée surtout par des crises à répétition et des règlements de compte entre les politiciens. L’emprisonnement d’acteurs politiques de l’opposition est devenu une des caractéristiques majeures de la pratique politique malgache. Actuellement, c’est le président national du parti Masters, Alain Ramaroson qui séjourne à Antanimora. Même s’il est incarcéré pour une affaire de litige foncier avec ses proches, bon nombre d’observateurs soupçonnent quand même un dessous politique pour faire taire celui qui a toujours lancé des critiques acerbes contre le régime Rajaonarimampianina. Du temps du régime Ravalomanana, on compte également de nombreux prisonniers politiques, pour ne citer que le cas des Voninahitsy Jean Eugène, Pety Rakotoniaina, le Général Fidy, le Colonel Coutiti Assolant, ainsi que les nombreux autres militaires et gendarmes jetés en prison suite à l’affaire 2002.
Réconciliation nationale. A l’allure où vont les choses, l’histoire risque de se répéter après la Présidentielle de 2018 si aucune mesure n’est prise pour l’éviter. Le processus de réconciliation nationale en cours fait déjà l’objet de nombreux soupçons de manipulations. Des critiques fusent de partout en ce qui concerne la sélection des membres du « Conseil du Fampihavanana Malagasy ». Pas plus tard que la semaine dernière, l’ancien président Marc Ravalomanana s’est fait expulsé d’un hôtel à Antsiranana par des éléments de l’Emmoreg, juste parce que le président de la République Hery Rajaonarimampianina et sa suite allaient s’installer dans le même hôtel. La tension politique risque de s’accroître à l’approche de l’échéance électorale de 2018. Dans sa mission de réconciliation, le « Conseil du Fampihavanana Malagasy » n’a pas droit à l’erreur si l’on veut éviter une nouvelle tragédie qui entachera davantage l’histoire politique du pays. En effet, l’histoire contemporaine de Madagascar est caractérisée notamment par des changements de régime marqués par des évènements sanglants ayant causé beaucoup de pertes en vie humaine. Afin d’essayer de conscientiser l’opinion et d’attirer l’attention de tout un chacun face aux risques d’une nouvelle montée des violences, nous allons présenter un petit rappel de ces évènements.
Avril 1971 : La révolte des paysans dans le Sud de la Grande Ile fut réprimée dans le sang par le régime Tsiranana. Notons qu’il s’agissait de la deuxième révolte initiée par les paysans du Sud après celle de 1967. Le Colonel Richard Ratsimandrava était le Chef d’Etat-major de la Gendarmerie à l’époque. Tenu pour responsable de cette révolte par les tenants du régime en place, le parti Monima fut dissout. De son côté, le Vice-président André Resampa, accusé de complot avec les Etats-Unis a été arrêté le 1er juin.
13 mai 1972 : Réélu en janvier 1972, le président Philibert Tsiranana a démissionné au mois de mai, suite aux manifestations et à la pression du peuple et à la révolte des étudiants qui ont incendié l’Hôtel de Ville d’Analakely le 13 mai, avec l’appui des lycéens et des syndicalistes. La grève générale a abouti à la chute du régime Tsiranana. La gestion du pays a été par la suite confiée à l’Armée et au Général Ramanantsoa. Le peuple a décidé de confier les pouvoirs à un Directoire militaire et à un gouvernement formé par des militaires et des techniciens, durant une Transition qui a duré trois ans.
1975 : En décembre 1974, un coup d’Etat a été initié par le Colonel Rajaonarison. En février 1975, le Général Ramanantsoa confronté à de graves troubles politiques décide de confier les pouvoirs au Colonel Ratsimandrava. Le 11 février 1975, six jours seulement après son accession au pouvoir, celui-ci fut assassiné à Ambohijatovo Avaratra. Un Directoire militaire a ensuite été mis en place avec à sa tête le Général Gilles Andriamahazo. Le 14 juin 1975, le Directoire militaire a été remplacé par le Conseil supérieur de la révolution qui était dirigé par le Capitaine de frégate Didier Ratsiraka. Ce dernier a occupé à la fois le poste de Président du CSR, de Chef du gouvernement et de Chef d’Etat.
1976 : Le 30 juillet 1976, le Premier ministre Joël Rakotomalala a été victime d’un accident d’hélicoptère. Il a perdu la vie durant cet accident. En mai 1978, les violences sont de nouveau montées lors de nouvelles manifestations estudiantines. En février 1981, Antananarivo a été le théâtre de nouvelles émeutes. La même situation s’est produite également à Toamasina en 1986 après la réélection du président Didier Ratsiraka en 1982.
10 août 1991 : En juin–juillet 1991, le pays est paralysé par une grève générale initiée par le « Hery velona » composé par tous les partis de l’opposition. Toute une série de manifestations exigeant la révision de la Constitution et le départ du président Didier Ratsiraka a eu lieu. Un gouvernement parallèle a été mis en place. Le 10 août, les Forces de l’ordre tirent sur les partisans du « Hery velona » lors d’une grande marche vers le Palais d’Iavoloha. D’après le bilan de l’opposition, cet évènement a fait une centaine de victimes et des blessés graves. De nombreues disparitions ont également été relevées.
2002 : En janvier 2002, Marc Ravalomanana refuse d’aller au second tour et appelle ses partisans à descendre dans la rue pour réclamer la victoire à l’issue de l’élection présidentielle de décembre 2001. Et ce, même si le 25 janvier 2002, la Haute Cour Constitutionnelle, dans sa proclamation officielle, a annoncé 46, 21% des voix pour le Tiako i Madagasikara, contre 40, 62% pour l’Amiral Didier Ratsiraka. Le 22 février, il s’autoproclame président de la République et prête serment. Bien malgré l’Accord de Dakar signé entre Didier Ratsiraka et Marc Ravalomanana le 18 avril 2002, le pays sombre dans les violences. Les affrontements ont fait plusieurs centaines de victimes. Avec deux gouvernements parallèles, le pays est complètement divisé. Au mois de mai 2002, Didier Ratsiraka et nombreux de ses proches collaborateurs ont fui le pays pour s’exiler en France.
7 février 2009 : Le 13 décembre 2008, Marc Ravalomanana ordonne la fermeture de la Télévision VIVA appartenant à Andry Rajoelina qui était Maire de la Commune Urbaine d’Antananarivo à l’époque. Le 25 janvier, ce dernier appelle la population à descendre dans la rue pour contester la dictature du régime. Des émeutes ont éclaté dans toutes les provinces. A Antananarivo, plusieurs milliers de partisans de la Révolution orange ont occupé Analakely, Ambohijatovo et les environs. Plusieurs magasins, dont les Magro ont été pillés et incendiés. Environs 80 personnes ont succombé suite aux violences. Le 3 février, Marc Ravalomanana a décidé de destituer Andry Rajoelina de son poste de Maire de la Capitale, par une décision du ministère de l’Intérieur. Le 7 février 2009, la Garde présidentielle a tiré sur la foule devant le Palais d’Ambohitsorohitra. Une trentaine de morts et plusieurs blessés graves ont été recensés. Le 17 mars de la même année, Marc Ravalomanana a démissionné de son poste et a remis les pleins pouvoirs à un Directoire militaire qui les a aussitôt remis à Andry Rajoelina. Dans le même jour, Marc Ravalomanana a quitté la Grande Ile avec sa famille pour s’exiler à son tour en Afrique du Sud. Ses partisans quant à eux ont manifesté dans la rue, sous la répression des Forces de l’ordre.